Frédérick Leboyer, 50 ans après

J’ai eu la chance d’assister, il y a déjà plus de deux semaines, à la journée d’hommage à Frédérick Leboyer (1918-2017). Intitulée Pour une naissance sans violence, 50 ans après, cette journée était organisée par l’IPC Paris, faculté libre de Philosophie et de Psychologie. Un hommage bien mérité au travail de cet homme qui, dans les années 70, a su bousculer les représentations de l’époque autour de l’accouchement et de la venue au monde de l’enfant. J’évoque régulièrement, durant mes cours de yoga prénatal, le livre de Frédérick Leboyer, Pour une naissance sans violence (paru en 1972). Cela me donne l’occasion de constater à quel point son nom est inconnu des jeunes générations. C’est d’autant plus d’hommage que, comme je le mentionne aux personnes que j’accompagne, c’est, me semble-t-il, un homme qui a vraiment cherché à comprendre les femmes et les enfants. D’où l’importance d’une telle journée qui vient rendre justice au chemin que Frédérick Leboyer a su défricher. D’autre part, comme l’a souligné Marie-France Morel, historienne : 50 ans c’est un bon délai pour commencer à s’interroger et pour confronter les sources à ce que disent aujourd’hui les témoins.

Accueil houleux

Les différentes interventions ont permis de rappeler la levée de boucliers suscitée par la parution de Pour une naissance sans violence. De la part du milieu médical mais aussi des femmes, comme l’a montré un extrait d’Apostrophes, émission littéraire des années 80, animée par Bernard Pivot. Frédérick Leboyer y était  pour un autre de ses livres, Le sacre de la Naissance et s’est retrouvé vivement attaqué sur le plateau par Marie José Jaubert, auteure d’un livre intitulé Ces hommes qui nous accouchent. Un accueil houleux dont Frédérick Leboyer avait d’ailleurs été lui-même été surpris

Il faut dire que dans ce domaine nous revenons de loin. Comme l’ont rappelé Marie-France Morel, puis ensuite Chantal Birman, Maï Le Dû et Hélène Viquesnel Labigne, toutes les trois sage-femmes, l’important lors de l’accouchement était que l’enfant soit vivant et non handicapé. Le cri était le signe de cette vitalité et lui permettait de Faire ses poumons. Le bébé n’était pensé, de fait,  qu’à partir des pathologies qu’il présentait.

voyage en Inde

Sur ce chemin, nous avons assurément progressé. Frédérick Leboyer y a contribué. Epaulé par d’autres acteurs novateurs comme Michel Odent, Bernard This ou Françoise Dolto –Myriam Szejer a  témoigné de ce qu’elle avait appris au côté de la psychanalyste qui a d’ailleurs inspiré  son travail de parole adressée aux nouveaux-nés.

C’est après un burn out et un voyage en Inde -où  il a rencontré Swami Prajnanpad (qui a aussi été le maître spirituel d’Arnaud Desjardins)- que Frederick Leboyer a écrit Pour une naissance sans violence. C’était auparavant un obstétricien réputé qui accouchait les femmes comme il l’avait appris, sans se poser de questions. Florence Pasche-Guignard a insisté sur l’influence de l’Inde sur l’évolution du regard posé sur les nouveaux nés et la conscience nouvelle de leur sensibilité.  Influence qui, à l’époque, n’était guère dicible.

Marie-Hélène Demey, a longtemps été enseignante de yoga prénatal avant d’accompagner des personnes en soins palliatifs. Connaissant personnellement Frédérick Leboyer, elle a livré un témoignage très émouvant sur la façon dont il l’avait accompagnée lors de la naissance de son troisième enfant. Alors que la césarienne semblait inévitable, il lui a proposé d’aller marcher pieds nus dans le jardin de la maternité. Au retour de cette marche sensorielle, le col était à dilatation complète.

Des progrès certains

Didier Riethmuller, gynécologue, obstétricien, a insisté sur la difficulté de changer les croyances et les habitudes. Il a partagé le travail mené sur le long terme au CHU Grenoble Alpes)  pour faire baisser, avec succès, le taux des épisiotomies.

Maitresse de conférences en maïeutique à l’université de Bretagne Occidentale, Maï le Dû, a partagé les observations faites par ses étudiantes. Selon ces observations, les soignants prennent désormais soin de réduire la lumière au moment de la naissance. Celle-ci est généralement suivie d’un temps de peau à peau de deux heures. Et ’il n’y a pas d’aspiration imposée si le bébé va bien.

A côté de ces progrès certains, d’autres régressions sont hélas à déplorer. Comme l’a souligné Chantal Birman, depuis 2004, nous assistons à la fermeture des petites maternités. A la multiplication des actes médicaux lors de l’accouchement ainsi qu’à la diminution des temps d’accompagnements. Hélène Viquesnel-Labigne assure que l’on ne considère toujours pas suffisamment le lien mère enfant. Ni l’humanité de l’enfant et que rares sont les bébés réellement mis au monde et non juste expulsés. Selon elle, nous sommes aveuglés par la naissance physique et nous ne prenons pas assez en compte la naissance psychique et affective. Comme elle l’a pointé, nous ne savons pas ce dont ont besoin les bébés, ils ne peuvent nous le dire. Mais plaçons-nous à l’autre extrémité de la vie. Là, nous savons que les personnes âgées apprécient la présence, le respect de leur rythme, la tendresse, la confiance.

Au-delà des différentes interventions, toutes très inspirantes, l’un des bienfaits de cette journée était aussi de réunir dans un même lieu différents acteurs de la naissance. Tous soucieux de continuer à explorer, comprendre, faciliter, avec sensibilité et humanité, le moment de la venue au monde.

 

 

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