Le deuxième sûtra

yoga citta vrtti nirodha. Ce sûtra est essentiel car il donne dès le début de l’ouvrage une définition du yoga. C’est aussi le sûtra où apparaît pour la première fois le terme “citta“, souvent traduit par “mental“ ou également comme la part émergée de notre conscience, celle avec laquelle nous pouvons prendre conscience en ce moment du sol sur lequel nous sommes assis ou de la façon dont notre corps est installé. Cette petite part de notre conscience est toujours mobile, toujours en mouvement, toujours en train de papillonner, de tourbillonner et de nous entraîner d’une idée à l’autre. L’un de mes enseignants de yoga, Mathieu, aimait la comparer à la petite guenon de Tarzan également appelée Chita et passant elle aussi sans cesse d’une branche à l’autre.

Les théoriciens qui se sont penchés sur ce sûtra ont beaucoup épilogué sur la définition à donner à ce “citta vritti nirodhah“. Françoise Mazet parle de l’arrêt de l’activité automatique du mental. Frans Moors parle d’apaisement, de concentration et de canalisation complètes des activités fluctuantes du mental. Desikachar évoque lui “une aptitude à diriger le mental exclusivement vers un objet et à soutenir cette direction sans aucune distraction“. D’autres évoquent le contrôle, voire la suspension des activités du mental, “l’arrêt des idées dans l’esprit“. Ce sûtra est à l’origine de nombreux débats, notamment sur le lien entre pensée et yoga. “La pensée dans l’enseignement du yoga est souvent écartée au profit d’une vacuité silencieuse. On va même jusqu’à la croire antinomique du travail du yoga“, écrit Christiane Berthelet Lorelle dans son livre intitulé La sagesse du désir, ouvrage où elle tente un rapprochement entre psychanalyse et yoga. Le yoga a ainsi très souvent été assimilé, suite à ce sûtra, à une sorte de grand silence mental. Une conception qui toutefois commence à dater : le yoga est aujourd’hui d’avantage perçu comme le moyen de faire émerger une pensée plus profonde, plus intuitive. “Loin de l’agitation des idées labiles, et comme de plus loin qu’elle même, la pensée semble advenir, fulgurante et juste, dans l’écoute la plus tranquille. Son allure est alors celle de l’évidence et de la surprise.“, écrit encore Christiane Berthelet Lorelle.

Ce qui me paraît personnellement important dans ce verset c’est que Patanjali propose dès ce deuxième sûtra une définition du yoga et que cette définition du yoga relève du psychisme ! Il me semble que si l’on interrogeait des personnes n’ayant jamais pratiqué pour leur demander de définir le yoga, on aurait de fortes chances d’obtenir des réponses comprenant l’idée de postures, d’un travail physique, d’une gymnastique au mieux associée au souffle. Or la définition donnée par Patanjali il n’évoque ni posture, ni souffle, ni effort musculaire. Le terme de pratique n’arrive d’ailleurs qu’au 12ème sûtra. Le yoga est ainsi défini comme un moyen d’agir sur le mental, la possibilité de développer une stabilité psychique.

 

 

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