Accoucher sans péridurale ? Selon une étude de l’inserm, issue des données de l’Enquête nationale périnatale 2010, 26% des femmes enceintes le souhaitaient pendant leur grossesse mais à l’arrivée moins d’une sur deux l’ont fait ( 53% d’entre-elles ont finalement reçu une péridurale en cours de travail).
Comme le souligne un article de Dix lunes sur ce sujet : il est difficile de savoir pourquoi ces femmes ont renoncé à leur projet initial. Changent-elles d’avis en cours de route ? Le décalage entre ce qu’elles imaginaient et l’intensité des contractions est-il trop important ? Ou la pose d’une péridurale constitue-t-elle un moyen pour le personnel de faire face à la surcharge de travail ?
La réponse est difficile à trancher. Dans le film Loba, des jeunes femmes, de pays différents, témoignent de leur souhait profond d’accoucher sans péridurale et de la façon dont elles ont finalement perdu pied dans un univers extrêmement médicalisé et peu à l’écoute de leur désir.
Dans un commentaire laissé sur le site de Dix lunes, une jeune femme s’interroge sur ce « choix » qu’elle a effectivement fait : “Ma péridurale a effectivement été posée à MA demande. Mais après une réflexion profonde a postériori (plusieurs mois après l’accouchement, je pleurais sans raison en y repensant), je me suis rendue compte que je n’avais fait appel à une péri que pour que quelqu’un vienne me voir et s’occupe de moi. J’avais besoin de soutien et c’était la seule méthode que j’ai trouvée sur le coup (…) Je pense que c’est plus compliqué encore qu’une simple question de choix“.
Une autre personne raconte : “A moi aussi, on l’a fait le coup de « l’anesthésiste est là pour le moment (il était cinq heures du matin) mais, par la suite, elle ne sera plus disponible avant neuf heures du matin » (!) J’ai senti clairement qu’on essayait de me forcer la main et j’ai tenu bon, j’ai refusé la péri. Mais tout de suite après avoir dit non j’ai eu un moment de panique en me disant que jamais je n’arriverai à tenir (fort heureusement tout a été rapide après). Ce genre d’ultimatum à peine déguisé, c’est une tentative de forcer le choix de la femme qui, dans ces conditions là, ne peut pas véritablement prendre une décision en toute liberté (…) »
Autre témoignage : “Pour avoir vécu un accouchement hypermédicalisé et un accouchement physiologique (dont les récits sont disponibles sur mon blog) je suis désormais très consciente des facteurs qui poussent une parturiente à demander une péridurale alors qu’elle ne le voulait pas a priori. Le facteur principal reste la qualité d’accompagnement du personnel auprès de la femme, sa disponibilité. J’ai vu cela en accouchant avec une sage-femme libérale en accouchement global sur un plateau technique. Pour tout le temps du prétravail et du travail, elle n’était là que pour moi, uniquement pour moi et elle m’a encouragée de bout en bout. Résultat : un accouchement extraordinaire.“
A la lumière de ces récits et de ce que j’observe en tant qu’enseignante de yoga prénatal, il me semble que la question n’est finalement pas tant de savoir si les femmes ont le choix ou pas de recourir à la péridurale mais plutôt si le choix d’accoucher sans péridurale s’avère compatible avec le choix d’accoucher dans une maternité classique.
Combien de femmes peuvent se faire confiance à 100%, surtout s’il s’agit de leur premier enfant, lorsqu’on les informe du départ de l’anesthésiste ? Combien de femmes peuvent traverser seules la tempête des contractions ? Comment peut-on imaginer rejoindre un état d’ouverture extrême qui va de pair avec une très grande vulnérabilité si l’on n’est pas soutenue, entourée, encouragée ? Et quelles sont les maternités où l’équipe médicale dispose aujourd’hui de ce temps pour un accompagnement personnalisé ?
Peu nombreuses sont les femmes dans mes cours de yoga à être foncièrement déterminées à accoucher sans péridurale, beaucoup laissent la question ouverte, se laissant la possibilité de décider en fonction de ce qu’elles vont découvrir, mais parmi les personnes qui sont vraiment résolues à faire sans, rares sont au final celles qui, confrontées à la réalité -tant celle des contractions que celle du monde médical- mènent leur projet à terme, surtout lorsqu’il s’agit d’un premier accouchement. Et ce qui est certain c’est que celles qui y parviennent ont généralement la chance d’accoucher un jour où une sage-femme a pu prendre le temps d’être à leur côté ou ont la chance d’être profondément soutenues par le père de leur bébé.
Nathalie Mlekuz