Loba : accoucher naturellement dans une société artificielle est-ce encore possible ?

J’ai assisté, il y a peu, à la projection du film Loba, au Cinéma le Lucernaire, en présence de la réalisatrice, Catherine Béchard. Je vous avais déjà parlé de ce film, dans un article intitulé, Loba, un projet de film sur le vécu intime de l’accouchement. Porté par un financement collectif, ce film est désormais projeté en salle. Et c’est assurément un film fort, un film qui tente de dire ce qui ne se dit pas ou peu : le décalage entre ce que beaucoup de femmes souhaitent pour leur accouchement et ce qu’elles vivent réellement.

Le film témoigne d’une souffrance souterraine qui est rarement mise en mots, parce que, malgré tout, tout s’est bien passé, l’accouchement est réussi, le bébé est en bonne santé et parce que, malheureusement, les femmes sont douées pour se mettre entre parenthèses et sont habituées à ce que leur corps soit instrumentalisé et non vraiment respecté.

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Que ce soit en Espagne, au Mexique, à Cuba ou en France, Catherine Béchard a recueilli des paroles vraies, profondes, qui soulignent à quel point la médicalisation systématique de l’accouchement laisse une grande amertume dans le cœur  de certaines femmes. Elles rêvaient d’un accouchement qui soit le plus naturel possible, d’un accouchement qui leur permette de se découvrir, de se rencontrer dans une profondeur d’être, un accouchement qui leur donne de la force, de la confiance en elles, et elles se retrouvent au mieux avec péridurale, injection d’ocytocine artificielle, forceps et épisiotomie et au pire avec une césarienne. Comme si elles n’étaient plus qu’un réceptacle dont il faut extraire le bébé (et que l’on recoud ensuite). Totalement dépossédées de ce qui leur arrive, elles assistent, impuissantes, à ce qu’elles vivent souvent comme un fiasco. Une femme qui tentait de protester s’est entendue dire par une doctoresse : “Vous accordez trop d’importance aux premières minutes de la vie“. Ces premières minutes qui sont pourtant celles de la rencontre de l’enfant avec le monde du dehors,  ces premières minutes qui vont commencer à inscrire en lui la confiance qu’il peut avoir en l’autre…

Ce que dénonce surtout ce film c’est qu’il ne soit plus possible aujourd’hui, même si les femmes le souhaitent, d’échapper à cet accouchement médicalisé. Alors qu’il existe un nombre important (de plus en plus important ?) de femmes qui ne souhaitent pas aller à l’hôpital, il n’y a pour elles, à l’heure actuelle, aucune possibilité de faire autrement. Ainsi, en France, l’accouchement à domicile, pourtant légal, est de moins en moins pratiqué à cause du montant des assurances réclamées aux sages-femmes qui s’élève à 17 000 € par an alors que leur salaire annuel est de 24 000 €.

Très dense, le film conjugue les témoignages de femmes qui ont accouché, de sage-femme qui se battent pour que l’accouchement reste un moment de lumière et pour que les savoirs traditionnels puissent continuer à se transmettre. Beaucoup de ces témoignages ayant lieu en espagnol, il est un peu difficile, lorsque l’on ne parle pas la langue, de vivre à la fois la beauté des images et la richesse des paroles recueillies. Comme l’a souligné une personne dans la salle, c’est un film que l’on gagne  à voir une deuxième fois ! A voir donc et à revoir.

 

Nathalie Mlekuz

 

 

 

 

 

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