Je donne, depuis la rentrée, un cours de yoga et de yoga nidrâ à La Maison du yoga, le mardi de 20h à 21h. C’est une heure tardive qui m’a permis, les premières semaines de septembre, de vivre la tombée de la nuit fenêtres ouvertes, de savourer le calme du lieu, d’être surprise par la musicalité d’une averse soudaine, aussi brève qu’intense… Et cette atmosphère si particulière, propre à la Maison du Yoga, m’a amenée à repenser au chemin effectué depuis les premiers cours pris avec Danielle El Mouaffaq au début des années 90. Et ceci d’autant plus que j’ai justement repris un créneau qui était auparavant assuré par Danielle et que pour raison médicale, elle n’a pas souhaité poursuivre. Si l’on m’avait dit à cette époque que je donnerai un jour des cours de yoga dans ce lieu, je ne l’aurais, je crois, pas cru… Cela m’aurait paru totalement improbable…
La luminosité et le calme de la grande salle à l’étage
J’étais alors journaliste, je travaillais dans un groupe de presse situé rue du chemin vert. J’avais déjà essayé plusieurs cours de yoga sur Paris mais, nostalgique d’un cours que je suivais lorsque je vivais à Lille, je ne trouvais rien qui me plaise vraiment. C’est ma rédactrice en chef, Sylvie K, qui m’a parlé de La Maison du Yoga et des cours de Danielle. Sans doute parce que je ne prenais pas alors le yoga vraiment au sérieux, parce que je le considérais comme une activité subalterne, parce que j’étais prise dans le regard d’une époque qui dévalorisait ce qui touchait au corps et valorisait à l’inverse la dimension intellectuelle, je ne me souviens ni de la première rencontre avec La Maison du Yoga, ni de ce qui m’a amenée à poser enfin mes valises dans ce lieu. Est-ce la présence accueillante de Danielle ? La luminosité et le calme de la grande salle à l’étage ? L’atmosphère de ce lieu entièrement dédié depuis 1984 au yoga ? Toujours est-il que je suis revenue, irrégulièrement, certes, au début mais suffisamment pour qu’un lien puisse se tisser et petit à petit se déployer.
Cerisier en fleur
Il y avait à cette époque, dans le petit hall d’entrée qui servait de vestiaire, des lettres et des cartes postales qui couvraient l’un des murs -ce n’est plus le cas aujourd’hui, le mur a été repeint et dépouillé de ce revêtement épistolaire ! Ces lettres et cartes venaient du monde entier et étaient essentiellement adressées à Mathieu, le fondateur de la Maison du yoga. Deux d’entre-elles m’ont particulièrement marquée. La première représentait un cerisier en fleurs et dessous était écrit comme un haïku : sous le cerisier en fleurs/ passer/toute une nuit. Je me rappelle vivement la force que ces mots prenaient pour moi lorsque je sortais du cours. Alors que l’essentiel de mon énergie était centrée sur mon métier, que je passais mes journées derrière un écran d’ordinateur ou au téléphone, ou dans le métro, que j’étais très imprégnée par ce qui était médiatiquement valorisé, ces quelques mots, lus et relus, après le cours du yoga, ouvraient la porte vers un monde qui m’avait été familier durant mon enfance mais que j’avais depuis perdu de vue. L’autre phrase qui, de façon répétitive, m’interpelait, était : Que le but essentiel de ta vie soit de t’éveiller -je cite de mémoire. C’était une phrase mystérieuse, énigmatique, que je comprenais sans comprendre et qui, elle aussi, m’ouvrait l’horizon.
Yoga nidrâ
Il a fallu plusieurs années de pratique pour que petit à petit mon regard change et que je commence à regarder le yoga autrement, que je cesse de le limiter à l’heure de gym, faisant du bien, calée dans la semaine. J’ai suivi les cours de Danielle de façon plus ou moins assidue, j’ai aussi fait du yoga prénatal avec elle pour la naissance de ma deuxième enfant, et puis ensuite j’ai commencé à travailler avec Mathieu. Et j’ai découvert le yoga nidrâ. Je ne me souviens pas non plus du premier cours de yoga postural avec Mathieu mais, le yoga commençant à agir, je me rappelle en revanche très bien du premier cours de yoga nidrâ. Mathieu enchaînait alors une heure de yoga postural et une heure de yoga nidrâ. J’étais inscrite à la première heure et lorsque je quittais la salle, je voyais les personnes s’installer sur le sol en s’enveloppant d’une couverture. Cela me paraissait très tentant et en même temps une voix limitante m’en empêchait : je n’allais tout de même pas payer un cours pour rester allongée une heure entière ! Identifier nos résistances, celles notamment qui nous empêche d’aller vers ce qui nous appelle profondément, fait assurément partie du chemin du yoga ! C’est ce que j’ai réussi à faire et quand est venu en moi le désir de transmettre à mon tour le yoga, j’ai commencé par me former au yoga nidrâ. Avant de suivre une formation au yoga postural. J’ai donné mes premiers cours à La Maison du yoga en 2006. Puis mes pas m’ont portée ailleurs mais j’ai néanmoins continué à donner un atelier mensuel de yoga et yoga nidrâ le samedi après midi. Et me revoilà donc, dans ce lieu essentiel, pour un cours du soir hebdomadaire…
Nathalie Mlekuz