Genpin ou la vitalité des femmes enceintes

Le film porte un titre mystérieux : Genpin. Sorti sur les écrans il y a trois semaines, il n’est déjà plus à l’affiche que dans de rares salles parisiennes et, qui plus est, à des heures aléatoires. C’est très dommage car c’est un film qui mérite le détour, tant pour les mots, souvent émouvants, prononcés par les femmes enceintes que pour la beauté et la sérénité des scènes d’accouchement.

Réalisatrice de ce documentaire, Naomi Kawase nous invite à découvrir le travail du docteur Yoshimura. La maternité qu’il fait vivre se situe près d’Okazaki au Japon. Un lieu où les femmes enceintes sont assurées de pouvoir vivre leur accouchement de la façon la plus naturelle possible. Dès le début du film alors qu’une femme s’inquiète de son bébé placé en siège, le docteur est formel : “Dans une maternité classique, on vous ferait une césarienne. Avec moi, ça glisse tout seul“. Sa méthode de préparation à la naissance ? Une vie au grand air, en contact étroit, sensoriel, avec la nature, de l’exercice physique, avec notamment la coupe du bois. Et trois cents flexions par jour : les femmes s’accroupissent les bras appuyés contre un mur sur lequel elles font glisser une sorte de support, une peu comme si elles nettoyaient ce mur (Des flexions sans doute recommandées pour les japonaises habituées à vivre proche du sol mais qui, pratiquées à une telle intensité, me paraissent redoutables pour les genoux des européennes…).

Femmes enceintes coupant du bois
La coupe du bois

Au delà de ce cadre bénéfique (dont témoignent les visages sereins et la vitalité des femmes interviewées), la vie en communauté apporte également un soutien important à des femmes que l’on pressent très seules et qui n’ont pas manifestement pas la possibilité dans leur vie quotidienne d’exprimer ce qu’elles traversent. Certaines viennent vivre ici leur deuxième grossesse,  traumatisées par ce qu’elles ont enduré pour la première.

Si la vie est présente, la mort l’est aussi. L’une des femmes du film perd son bébé alors que sa grossesse était déjà bien avancée. Le docteur laisse alors le corps expulser naturellement le fœtus mort. La femme reconnaît ensuite que c’était important pour elle, que si on lui avait enlevé son bébé par intervention chirurgicale, elle aurait pu penser qu’il y  avait eu une erreur…D’autre part, le docteur confie également sa difficulté à accueillir la détresse des parents confrontés à la mort de leur enfant.Il a, à sa façon, résolu le problème, en s’accrochant à l’idée que ce qui doit vivre, vit et que ce qui doit mourir, meurt…

Tout le mérite du film est justement de ne pas faire de ce docteur  un demi-dieu et d’évoquer aussi ses faiblesses. Il dit de lui-même qu’il est égocentrique. Une des sage-femmes juge le mot “dictateur” trop fort pour parler de lui (elle le prononce tout de même !) et  insiste sur la difficulté du docteur à prendre en compte le savoir de son équipe. La fille du docteur, également filmée, lui reproche, elle, de ne pas savoir écouter. Si l’homme est très à l’aise pour accompagner les femmes qui vont mettre au monde leur enfant, s’il a compris beaucoup de choses quant aux besoins essentiels d’une femme enceinte, si on le sent toujours capable à 78 ans de s’émerveiller de voir le nouveau-né surgir du corps de la femme, on devine en revanche, peut-être parce qu’il a dû beaucoup se battre pour mettre en œuvre ce à quoi il croyait, qu’il ne cherche pas vraiment à comprendre les femmes qu’il accueille. Faiblesse légitime qu’il aurait pu reconnaître et compenser en coopérant avec d’autres professionnels mais cela n’a pas été son choix. Peut-être aussi une question de génération.

Tadashi Yoshimura
Le docteur Yoshimura

J’attends en tous cas pour ma part avec impatience la sortie du DVD de façon à pouvoir faire découvrir ce film aux femmes que j’accompagne dans le cadre des séances de yoga prénatal à domicile.

Ah j’oubliais, la clé de l’énigme du titre est révélée tout à la fin du film….

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